Le 89 arabe by Stora Benjamin

Le 89 arabe by Stora Benjamin

Auteur:Stora, Benjamin [Stora, Benjamin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, XXIe siècle, Moyen-Orient
Éditeur: Stock
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


L’histoire enfouie de la démocratie arabe

E. Plenel – Il y a, me semble-t-il, un double reflet dans ce qui nous est renvoyé par le miroir des révolutions arabes.

D’abord, ce que dit notre vision essentialiste de ces peuples, réduits par nos préjugés à leur identité religieuse majoritaire, l’islam, de notre indifférence au pluralisme au sein de nos propres sociétés démocratiques. Comme si, depuis l’abbé Grégoire sous la Révolution française et les dissidences républicaines au sein du clergé, il n’y avait pas une interaction entre le religieux et le social, entre souffrances profondes des sociétés et les croyances que s’invente l’homme pour y survivre.

Ensuite, cette tentation dynastique qui traverse les régimes modernes, qu’ils soient clairement autoritaires ou apparemment démocratiques. Après tout, nous avons vu François Mitterrand prendre l’un de ses fils comme conseiller pour l’Afrique, Jacques Chirac choisir sa fille comme experte en communication et, surtout, Nicolas Sarkozy vouloir installer son fils Jean à la tête de son fief clientéliste, les Hauts-de-Seine.

En d’autres termes, et quelles que soient les différences de degré, nos propres classes dirigeantes n’ont-elles pas déserté l’éthique ou l’exigence démocratiques ? De façon similaire à la contamination des républiques arabes par le modèle dynastique, notre république n’est-elle pas le théâtre de l’ascension d’une oligarchie, variante moderne de l’aristocratie ? N’est-elle pas minée par le désir irrépressible d’une minorité de possédants d’une reproduction endogamique, au croisement du pouvoir et de l’avoir, des dominations politiques et économiques ?

Et le message universalisable des révolutions arabes ne serait-il pas, tout simplement, un retour aux sources de la promesse démocratique, non seulement chez eux mais aussi chez nous ?

B. Stora – Le message est celui de l’exigence de sociétés plus ouvertes, plus justes, sur la base du mérite et de la compétence, non du privilège et de la filiation familiale. La volonté de rupture avec l’histoire des successions « dynastiques » est très profonde. Fils de Moubarak, fils de Kadhafi, fils de Bachar el-Assad… ce refus est un signal fort donné à tous les régimes politiques fondés sur la cooptation, sur un pacte des élites dissimulé aux regards des citoyens. Nous ne savons pas encore si le processus débouchera sur une véritable démocratie, ou s’il sera récupéré par l’armée, les islamistes ou les forces des anciens régimes. À ce stade de notre discussion, il faut envisager la signification de ce mot « révolution », si vite utilisé par les médias et qui s’est propagé comme une évidence. La « révolution » entraîne une rupture radicale avec le régime précédent, sur le plan social et politique. Or, dans les pays où le mouvement est allé le plus loin, en Égypte ou en Tunisie, l’armée occupe toujours une position essentielle et son statut paraît inchangé. Elle s’est rangée, au plus fort des mobilisations de la place Tahrir, du côté des manifestants en Égypte et elle a refusé de tirer sur le peuple, en Tunisie, lorsque Ben Ali lui en a intimé l’ordre. L’armée est donc épargnée par les bouleversements en cours, acceptée et considérée comme porteuse d’une unité nationale retrouvée.



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